Vive les mariés !


Je suis née en France, à Bonsecours (Normandie), le 24 août 1930, de parents italiens émigrés. Toute la famille retourna vivre dans les Pouilles lorsque j’avais une petite dizaine d’années. Dix ans plus tard, ma cousine Anna, vivant en Suisse, m’incita à la rejoindre, elle avait trouvé un travail de sommelière pour moi. Mon père, longtemps après le décès de ma mère, s’était remarié et je n’avais pas envie de vivre avec ma belle-mère, bien qu’elle soit très gentille. Voilà pourquoi j’ai accepté de quitter famille et pays. Le tea-room portant l’enseigne « Chez Richard » à Moutier, au cœur du Jura suisse, était tenu par une dame seule. papaMoret.jpgC’est là que je fis la connaissance de celui qui allait devenir mon mari. Jean-Jean, ayant renoncé à son métier de boulanger-pâtissier, était alors au service de Monsieur Théodore, un homme riche. Ce dernier l’avait engagé comme homme de compagnie, se faisant conduire un peu partout et lui offrant un beau salaire (600 francs), tous frais payés (hôtel et repas). Un jour, Monsieur Théodore et Jean-Jean vinrent boire le café au tea-room. Je remarquai qu’il s’occupait de ce monsieur avec tellement de gentillesse, je le trouvai adorable. Nous éprouvâmes très vite une certaine attirance l’un pour l’autre. Peu après, nous nous retrouvâmes à la piscine et nous déclarâmes rapidement notre flamme. Je n’avais jamais eu d’amoureux, il était le premier tandis que Jean-Jean fréquentait déjà une jeune fille française. Quand il m’en fit part, je lui demandai de faire son choix. Très amoureux de moi, il s’en alla, sur ma demande, aviser la demoiselle de son souhait de mettre fin à leur relation. L’engagement étant pris avec Jean-Jean, je me mis aussitôt en route pour l’Italie afin d’informer mon père de mon désir de me marier. Bien entendu, il souhaita faire la connaissance de mon amoureux et Jean-Jean, arrivé quelques jours plus tard, plut tout de suite à mon père, qui le trouva, lui aussi, très gentil. Je me chargeai alors des démarches administratives en Italie et en France. Le mariage fut célébré en Suisse, à l’Eglise catholique de Montreux, en décembre 1956, soit un an après notre rencontre, en présence du père de Jean-Jean, de Yoyo, une grande amie de sa mère, qui avait promis à cette dernière, avant son décès, de veiller à ses enfants, ainsi que de l’un des frères de mon époux. Nous étions peu fortunés alors et c’est mon beau-père qui offrit le repas de mariage. A l’époque, on n’expliquait pas aux jeunes filles les risques qu’elles pouvaient encourir en faisant l’amour et c’est ainsi que je me retrouvai enceinte, avant la date officielle. Jeune et mince, je cherchai à dissimuler mes premières formes et choisis une petite robe toute simple, pas blanche au vu des circonstances. Ce fut un beau mariage, dont trois enfants naquirent, et qui dura plus de soixante ans ! Jean-Jean était adorable et fut un gentil mari. Il a su élever nos enfants avec beaucoup d’amour.

Souvenirs d’Edda retranscrits par Betty,24.08.2018