Balade amicale sur un canal

Le temps n’est pas au beau fixe, c’est ainsi que nous opterons pour le voyage en camionnette, pour une fois ! Si la première partie est plaisante par la nationale, la deuxième sera, elle, plus monotone sur l’autoroute, bien que peu fréquentée. Petit arrêt café dans le petit village de Censeau (Jura) où tous les clients ne sont pas masqués. Il est près de midi et la serveuse, au vu des tables déjà dressées, nous dit attendre 90 personnes pour le repas. En Bourgogne-Franche-Comté, aux confins des départements de la Côte-d’Or (21), de la Nièvre (58), de la Saône-et-Loire (71) et de l’Yonne (89), nous traversons Le Morvan, un massif de basse montagne dont le point culminant est à 901 mètres d’altitude ! Il est constitué en parc naturel régional depuis 1970, avec de nombreux lacs artificiels et un fort boisement. Nombreux sont les troupeaux de vaches blanches, rousses ou tachetées. Un bouc partage son pré avec deux chevaux (des vrais, pas la Citroën !). Nous observons les très grands toits métalliques des fermes mais aussi les allées de platanes, non détruits fort heureusement, de peupliers et de marronniers. Un panneau nous informe que le Maréchal de Vauban a résidé dans le château de Bazoches, situé dans le département de la Nièvre. Nous avons la chance de l’apercevoir (le château, pas le maréchal), et je case dans ma mémoire de le visiter lors d’un prochain passage. Des éoliennes tournent majestueusement. La pluie nous a rejoints en cours de route, elle nous accompagnera jusqu’à Vermenton, notre destination. Pascal suit avec attention les instructions transmises par le responsable de la péniche de 26 tonnes et 14 mètres de long ! Il sera le capitaine de « Bellequent ».

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Cinq écluses en une petite demi-journée, voilà qui commence fort. Nous jetons l’ancre à proximité du petit village de Vincelles que nous ne visitons pas en raison de la pluie qui nous a glacés. Notre première dînette est sympathique, comme le sera notre première nuit, au calme, car notre embarcation ne bouge pas. Le lendemain, nous savourons d’autant plus notre petit-déjeuner que les nuages ont fait place au soleil. Belle perspective. La lune est encore là, à moitié grignotée et un peu fade. Tandis que le capitaine et son assistant se dirigent vers Auxerre, nous les devançons, mon amie et moi, sur le chemin de halage, juchées sur nos vélos pliables.

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L’éclusier nous annonce un trajet de dix kilomètres jusqu’à Auxerre. Piétons et cyclistes se partagent le chemin, en bitume ou terre battue. Des noyers ont dû être passablement secoués par le vent, car nous n’avons qu’à nous baisser pour récolter leurs fruits. Balade_3.jpgSur le parcours, un magnifique château nous interpelle, dont le parc donne sur le canal, de même que de très belles maisons. Paysage féérique tout du long. Une famille d’oies Bernache cravant prend son envol pour venir se poser sur la rivière voisine, nous offrant un moment magique. Nous arrivons à Auxerre bien avant la péniche, notre but s’appelant marché. Depuis le pont Bert, nous apercevons la péniche et nos deux hommes qui ont traversé huit écluses depuis le départ matinal.


Sur le quai fleuri et arborisé, piétons et cyclistes empruntent des chemins qui leur sont attribués. Plusieurs très grandes péniches restent à quai, métamorphosées en restaurant ou en théâtre. D’autres encore naviguent en tant qu’hôtels. Les masques sont maintenant obligatoires, dans les magasins comme dans la rue. En route pour la découverte de la ville. Depuis le pont Paul Bert, la vue s’étend de l’Yonne à la cathédrale St-Etienne, très imposante. Sa construction, de style gothique, a débuté au XIIIe siècle, prenant fin au XVIe. De l’orgue, des tuyaux sortent à l’horizontale, chose inhabituelle. Nous flânons dans les ruelles, levant le nez à tout moment sur les maisons à colombages datant du Moyen-Age. Sur les trottoirs, des petites plaques triangulaires en laiton mentionnent le chemin Cadet Roussel. Une jolie statue colorée du personnage emblématique des lieux du XVIIIe siècle trône sur une fontaine au milieu de la place Surugue. Au détour d’une rue, une pâtisserie attire nos regards et nos papilles. Accueil et qualité sont de rigueur. Un voyageur nous dit être parti de Belgique avec son gros chargement pour se rendre à Compostelle avec son vélo électrique. Quant à son ami, chargé d’un modeste sac, il a un vélo normal. Ils comptent cinq semaines pour le voyage. Je les envie un peu mais cela ne doit pas être tous les jours rose, affrontant montées et aléas météorologiques. Dans un tout autre genre artistique, Florent Maussion s’est éclaté en Street Art sur les silos du Batardeau, au bord de l’Yonne, sur une surface de 15 mètres de haut et de 30 mètres de large, représentant un enfant peignant des carpes. Il est temps de regagner notre embarcation. A la sortie de la ville, nous apercevons une école de cirque nichée dans la verdure puis le bâtiment du groupe de canoë kayak sur lequel est mentionné la sélection olympique, en 2019, de plusieurs athlètes. Quelques sportifs démarrent devant nos yeux, que nous suivons un instant et, parmi eux, une femme un genou replié, l’autre jambe allongée en avant, qui avance très vite avec une seule rame. Nous passons la nuit à Champ-sur-Yonne, amarrés à un ponton, à proximité du village. Cravant, encore un petit village où nous allons nous connecter pour l’eau et l’électricité. La charmante dame de l’Office du tourisme sort du chalet qui lui attribué pour nous accueillir. Nous en profitons, Françoise et moi, pour aller visiter le joli village de Cravant, sous un beau ciel bleu. A l’entrée, la porte d’Orléans, surmontée d’un clocher, nous souhaite la bienvenue. A ses côtés, un vieil arbre ressemblant à un marronnier porte des fruits semblables aux kiwis. Dans le village désert, nous découvrons une charmante petite superette où l’accueil et l’achalandage sont de mise. La poste, elle, est cachée derrière une maison datant de 1724 et à deux pas d’une jolie fontaine. Nombre de belles maisons à colombages font de ce village tout propret un endroit où il fait bon se promener. En compagnie du soleil, nous nous attablons à l’arrière, sur la péniche, pour déguster notre modeste repas. Des pique-niqueurs, marcheurs retraités, ont pris place non loin de nous, profitant des tables et bancs mis à disposition par la commune, sous les arbres.
Et c’est reparti pour la glissade sur les eaux paisibles et l’enchaînement d’écluses. Parmi les petites maisons d’éclusiers, souvent fermées ou abandonnées, il en est une en réfection. De belles roses non parfumées sont livrées à elles-mêmes. A l’arrière, une porte a été retirée, laissant apparaître des WC à la turque.

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L’un des éclusiers est très taciturne, répondant à peine à nos questions et s’intéressant peu à son joli chat angora qui, pourtant, le suit dans tous ses mouvements. A l’écluse suivante, une dame pleine d’humour nous dit ne pas partir en vacances sur les canaux parce que « c’est trop dangereux dans les écluses » !!!! Lorsque les portes s’ouvrent, elle nous envoie des baisers. La communication entre les éclusiers fonctionne parfaitement bien. Ils s’avisent par téléphone des heures de passage des péniches. C’est ainsi que l’on apprend qu’un gros tronc s’est mis en travers du canal à Mailly-la-Ville et bloque un certain nombre de péniches. Nous décidons de nous arrêter avant l’endroit critique. C’est à vélos que nous rejoignons Mailly-le-Château, d’abord par le chemin de halage puis par la petite route pentue, un bel exercice. Dans le bourg du bas, la fontaine du loup qui pleure perpétue l’histoire tragique d’enfants dévorés par ses compatriotes au 18e siècle. Le lavoir, dont la toiture a été refaite dans les années 1990, date de 1839. Des générations de lavandières s’y succèderont jusque dans les années 1980. Un pont du XVe siècle enjambe la rivière de l’Yonne et, à ses côtés, la petite chapelle St-Nicolas date de la même époque. Tandis que nous atteignons le château, nous ne pouvons que l’admirer de loin. Derrière la grille, une allée de tilleuls aux coloris bariolés avec, à leurs pieds, un lit de mini cyclamen mauves. La bâtisse est entourée de remparts. Elle se loue actuellement pour des réunions, conférences, retraites … en totalité ou en partie (15'500 Euros/semaine pour le château et l’annexe, soit 21 chambres pour un total de 48 personnes). C’est dans ce château que fut signée, au Moyen-Age, la première charte d’affranchissement des serfs, considérée comme une pièce maîtresse dans la démarche sur l’abolition de l’esclavage en Europe. Depuis la place attenante, nous découvrons une vue exceptionnelle sur le bourg du bas, les méandres de l’Yonne, le canal du Nivernais et le Morvan. Un bus a déversé ses étudiants en BTS, section nature, accompagnés de leur professeur. Ce dernier a choisi de leur faire découvrir des anciens coraux. Non loin de l’église St-Adrien du XIIIe siècle, au cœur du village, une toute petite boulangerie propose une belle qualité de produits, très alléchants. La boulangère est charmante. A ses côtés, un grand tableau, représentant des vieilles barques sur une plage, dont elle est l’auteur. Le lendemain matin, une petite brume automnale enveloppe le village. Un cygne s’envole sous nos yeux, majestueux. Le petit brunch se déroule dans la joie et la bonne humeur. Un grand vent se lève, comme les jours précédents. Le village est désert, les maisons fermées. Sont-elles abandonnées ou réservées aux vacances ? Une péniche s’est amarrée derrière la nôtre, qui repartira avant nous. En bordure du chemin de halage, je reste un instant à observer une demi-douzaine de canes, à mes pieds, à la recherche de quelque nourriture dans l’herbe bien verte. Au fil de l’eau, nous apercevons ici ou là des maisons peintes de façon abstraite ou réaliste par des artistes. Sur l’une d’elles, un magnifique héron. Comme chaque jour, je suis attirée par la nature luxuriante et j’aime à m’asseoir à l’avant de la péniche pour jouir intensément du paysage environnant comme des eaux calmes, véritable zénitude.

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Pour notre dernier jour de navigation, nous suivons une péniche identique à la nôtre avec laquelle nous partageons les écluses. Juste avant Vermenton, nous nous arrêtons pour notre dernière halte nocturne, après avoir traversé sept écluses. Pas âme qui vive aux alentours. Le ciel change du gris au bleu très rapidement en cours de journée et, ce soir, un joli coucher de soleil nous est offert. Mais voilà, la fête est finie, nous devons ramener la péniche à son port. Les bagages sont prêts. Le ciel est repassé au gris, laissant échapper quelques gouttes de pluie de temps en temps. Nous prenons congé du batelier, anglais d’origine qui a adopté l’accent de la région et nous dit gérer la péniche pour un propriétaire anglais.
Balade_6.jpgNos deux amis ne pensaient pas devoir travailler sur le bateau, et pourtant ! Les voilà en pleines manœuvres Balade_7.jpg.

Balade_8.jpgDe même que le capitaine

Balade_9.jpget votre serviteur.

En résumé, ce fut une magnifique expérience, que nous avons partagée avec nos amis. Belle ambiance sous le signe de l’Amitié. Et je finirai par cette phrase de Shakespeare que notre ami Greg nous a fait découvrir :

« Un ami, c’est quelqu’un qui te connaît tel que tu es,
qui comprend qui tu as été, qui accepte ce que tu es devenu ».

Clarens, le 21 octobre 2020

Voilà les liens pour en savoir plus sur Internet :

https://fr.wikipedia.org/wiki/Morvan
https://fr.wikipedia.org/wiki/Canal_du_Nivernais
https://www.francefluviale.fr/
https://fr.wikipedia.org/wiki/Auxerre
https://www.yonne-89.net/cadet_r.htm
https://www.futura-sciences.com/planete/definitions/zoologie-bernache-cravant-13254/
https://fr.wikipedia.org/wiki/Cravant_(Yonne)
https://fr.wikipedia.org/wiki/Mailly-le-Château
http://chateau-de-mailly.com/fr/