Le petit commerce d’antan


Il y a quelques décennies, le petit commerce amorçait sa descente. Influencée par l’Amérique d’après-guerre, l’Europe se calquait sur elle avec ses façons de faire, de vivre, sa musique, sa mentalité, ses modes … C’est ainsi que les grandes surfaces ont fait leur apparition, à petite échelle d’abord, pour atteindre la démesure finalement. Les petits commerces se sont vus abandonnés, reniés, laissés-pour-compte. Les boulangers, les vrais, se comptent sur les doigts de la main à Vevey, évincés par les chaînes. Les bouchers sont encore plus rares et le dernier poissonnier de la place, en l’occurrence Genetti, est parti dans l’oubli depuis un certain nombre d’années. Les fromageries aussi s’estompent. Heureusement, le marché de Vevey perdure, présent toute l’année et spécialement animé en été. Ainsi, chaque samedi, je m’y rends à vélo, armée d’un sourire de satisfaction et de plaisir. Je pédale en laissant la semaine derrière moi, hors de la circulation, en contact avec dame nature, jouissant d’un moment de bien-être. Le marché, c’est la grande surface à ciel ouvert qui m’offre l’opportunité de croiser des sourires familiers et de partager ces moments improvisés. C’est là aussi que je fais mon choix parmi tous ces étals colorés et odorants. Les différentes branches sont réunies et il m’est ainsi aisé de m’organiser, ma petite note à la main, tout en me frayant un chemin parmi les acheteurs. Maraîchers, fromagers, bouchers, pêcheur (un seul !), tous accueillent leurs fidèles clients. Les stands italien, espagnol, portugais et autres, de pays plus lointains, présentent leurs spécialités. Les écoliers accostent les passants, debout derrière leur banc. Certains arpentent les allées pour accrocher l’éventuel acheteur. Leur but est de se constituer une petite cagnotte pour un voyage de fin d’études grâce aux pâtisseries et viennoiseries concoctées par leurs mères. Un certain nombre d’autres produits attirent également l’attention du chaland, tels le miel de ce passionné, dont l’activité principale est chauffeur de bus, l’huile d’olive en provenance du Sud de l’Italie, les confitures « maison » confectionnées par des dames du coin, les fleurs et plantes de saison. Car oui, c’est bien là le point fort du marché, on y trouve de tout et surtout des produits locaux, au contraire des grandes surfaces qui vendent des fraises toute l’année !
Situé derrière la gare, le quartier de Plan-Dessus, au cœur de la Place Robin, est un peu à l’écart du centre ville. Cependant, il s’y déroule moult manifestations tels que marché aux puces, fête multiculturelle, fête des voisins, fête du quartier et tant d’autres. Aucune grande surface en ces lieux, rien que des petits commerces. Et pourquoi pas un marché ? Le vendredi, avec un poissonnier ou le pêcheur de Vevey, sur cette jolie place ombragée et dans les rues ayant obtenu le statut piétonnier ?

Kiosque_4146.jpgSi je parle des petits commerces, c’est que mon père était commerçant et circulait en qualité de primeurs en gros. C’était l’époque où les grandes surfaces ne fleurissaient pas encore, où il calculait de tête, s’arrêtait à tous les coins de rue et dans chaque village, chez des commerçants ravis de voir arriver son camion et de pouvoir bavarder un peu. C’était, mais oui, le temps de la communication directe ! Ah, j’allais oublier, je ne sais comment c’était ici, car alors, j’étais dans le Dauphiné, à quelques heures de là. Mon père allait s’approvisionner dans le Sud de la France pour les fruits et faisait la tournée des paysans du coin pour les légumes. Dans ma ville aussi, il y a un marché, très animé, entourant un très beau kiosque. Quant aux commerces, la Grand-Rue en regorgeait il y a quelques années et, tout comme le marché, c’était un endroit convivial où l’on pouvait se rencontrer, papoter, rigoler, prendre le temps. Mr Internet ne nous préoccupait pas et le stress, on n’en avait pas encore entendu parler.

Betty
mars 2018