A la belle étoile

Des projets, j’en ai quelques-uns dans mon sac à rêves.
A quel moment et dans quel ordre verront-ils le jour, telles sont les questions.

Le plus important d’entre eux se trouve tout au fond de ma réserve.
Les raisons ? Le temps, les finances et un impératif inévitable.
Il se trouve dans la case « vacances » et m’apparaît encore dans le lointain.
A chaque fois que je tombe sur un article relatant un voyage de motards à travers le monde, mon projet remonte à la surface, mais pas tout en haut.
Mon souhait consiste à partir à deux avec deux side-cars. Ce qui nécessite, pour commencer, d’en faire l’acquisition, puis de placer dans l’agenda les trois mois d’absence, d’où une organisation et une gestion de la maison. Quant au porte-monnaie, il nous incombera de faire les écureuils. Enfin, passage obligé, je devrais obtenir le permis pour les trois roues. Du coup, au vu de tout cela, la barre remonte et la date recule ! Voilà qui met quelques bâtons dans les roues, non pas des motos mais dans le programme en lui-même.

Belle_Etoile.jpgAux côtés de ce projet d’importance, d’autres encore dorment dans la réserve, qui trouveront un jour ou l’autre de quoi se rehausser pour aborder la sortie, tel celui qui, il y a 24 heures, a pu se réaliser. Un pur moment de bonheur. Nul besoin de viser la lune pour atteindre l’extase.

Hier donc, en fin de journée caniculaire, lorsque le thermomètre consentit à baisser, je m’installai dans la chaise-longue sous le pavillon, après avoir cherché, et finalement trouvé, la couverture piquée confectionnée par ma grand-mère.

Dans le jardin assombri, je me laissai bercer par le doux gazouillis de la mare. De l’autre côté du lac, les lumières du village du Bouveret scintillaient et la montagne avait revêtu son habit sombre. Le vieux sapin se balançait dans le vent. Quant au palmier, il secouait délicatement ses feuilles, tel un éventail, cherchant à masquer la luminosité du réverbère communal. Entre deux clignements de paupières, j’aperçus une chauve-souris, tournoyant autour de l’arbre exotique.
Puis le rideau se baissa et je partis rejoindre Morphée. C’était sans compter sur la dernière soirée du Festival de Jazz et la circulation intense qui y était liée, venant interrompre de temps en temps mon sommeil. Pas question cependant de renoncer à la réalisation de mon projet, j’avais trop envie de passer la nuit ailleurs que dans notre lit.

Lors de l’un des passages spécialement bruyants de quelque automobiliste, je sortis de ma torpeur, sans pour autant maugréer, car je revins à ce moment de bien-être, éblouie par la luminosité de la lune, quelque peu grignotée. Cette extase ne me retint pas longtemps. Je plongeai à nouveau dans le sommeil, regrettant, durant quelques secondes seulement, de ne pouvoir l’admirer plus longtemps.

Belle-Etoile-Grammont.jpgLe reste de la nuit fut encore haché, interrompu à plusieurs reprises par quelques motos et voitures irrespectueuses, ou par des noctambules parlant fort ou chantant sur le trottoir. Rien ne pouvait m’ôter cependant le plaisir intense de cette nuit inhabituelle. 

Mon dernier réveil fut un véritable délice. Au petit matin, mes yeux s’écarquillèrent en découvrant le Grammont, montagne imposante de l’autre côté du lac, de quelque 2200 mètres de haut, déjà ensoleillé. S’ensuivit le chant d’un oiseau, très discret, remplaçant agréablement la sonnerie du réveil. J’avais espéré apercevoir quelques animaux, hérisson ou renard, mais ils durent profiter de mes moments de sommeil profond pour traverser le jardin. Dommage. Brusquement, le froid me saisit, malgré l’épaisseur de la couverture, m’obligeant à regagner le lit conjugal.


C’est ainsi que je pus me replonger dans mon rêve enfin réalisé, portant le nom de « Une nuit sous les étoiles ».

Betty Morel
17.07.2022