La Slovénie


Dimanche 4 juillet

Cette année, nous partons à trois. José est arrivé d’Agen hier soir après avoir accompli quelque 500 kms. Le ciel est bleu, quelque peu voilé par des nuages qui apaisent ainsi la chaleur estivale. Un peu d'autoroute jusqu’à Sierre pour commencer. Arrêt obligatoire dans ce joli café restaurant style western à Gampelen où nous avons l’impression d’être ailleurs et à une autre époque, tout est en bois et de magnifiques sculptures d’indiens en bois massif trônent ça et là, nous rappelant notre jeunesse (qui n’a pas joué aux cowboys et aux indiens !). Maintenant, ça y est, nous partons à l’attaque des premiers cols : Nufenen, San Gottardo et Oberalp seront au menu du jour. Au-dessus d’Andermatt, depuis la terrasse d’un petit restaurant, nous jouissons d’un point de vue exceptionnel tout en nous sustentant. La route déroule son ruban sous nos pieds et nous permet ainsi d’admirer le défilé incessant des motos et, par ce beau week-end de juillet, elles sont nombreuses. Variante à la Pascal, la petite route d’Ilanz nous conduit à Tiefencastel. Quand je dis petite, je n’exagère pas, il est parfois difficile de croiser avec une voiture et nombreuses sont les places d’évitement. Nous longeons les rochers, évitant quelques cailloux tombés, la route est poussiéreuse et glissante et le paysage aride, composé de pins. En contre bas, mais très bas, la rivière se plait à serpenter et nous apercevons quelques canoës. José est à la traîne pour photographier ou filmer et nous nous arrêtons régulièrement pour échanger nos impressions et rires. L’ancienne route du Gothard est essentiellement empruntée par les motards, mais je la préfère par temps sec, car les pavés sous la pluie, merci ! Chacun la monte à son rythme et, ainsi, une ancienne BMW 90s, pilotée par un allemand, m’emboîte la roue : nostalgie quand tu nous tiens ! Il est évident que, pour tout motard qui se respecte, les arrêts aux cols sont de coutume, pour admirer le paysage bien sûr mais aussi pour échanger sur la façon de « se l’être fait ». Les camping-cars sont des obstacles que nous prenons plaisir à dépasser, même dans les virages, ce qui doit les surprendre. En fin d’après-midi, grâce au bon sens de l’orientation de Pascal, nous arrivons à Mon, petit village surplombant la vallée de Tiefencastel, où nous avons déjà fait quelques haltes précédemment. Le couple de restaurateurs nous accueille avec le sourire habituel. Sur leur terrasse, nous apprécions l’apéritif en refaisant le parcours du jour, avec, pour environnement, les fleurs et les champs cultivés ou non, c’est le moment de décompresser. Nous sommes les seuls clients pour la nuit. Voilà une autre spécialité pour José, les röstis avec lard et œuf, gratinés, faits maison, un régal. Pour digérer, nous arpentons les rues du village, désertes, en admirant le bel état des maisons, très anciennes et souvent décorées de fresques. Au retour, nous faisons la connaissance de Nicole. Encore en formation, guidée par deux autres adultes experts pour un « cours vision », elle prend en charge, avec eux, une dizaine d’enfants, âgés de dix à douze ans, afin de leur faire (re)découvrir la nature. Ils marchent tous ensemble d’abord puis se séparent après que chaque jeune ait trouvé le lieu qui lui convient, où il séjournera durant quatre jours, seul, tout en jeûnant et dormant à la belle étoile. L’idée de jeûner ne plait guère à mes deux comparses et, tout en l’écoutant, nous partons dans nos réflexions.

Lundi 5 juillet

La nuit a été des plus calmes, exception faite du clocher du village qui se croit obligé d’appeler ses ouailles à 6 heures du matin, ce qui ne dérange pas José, lève-tôt. Sur la terrasse, nous allons nous faire servir un merveilleux petit-déjeuner avec une omelette aux herbes, des fromages, de la confiture « maison » et un excellent pain. Elle n’est pas belle la vie ! Après cela, on nous parlera de jeûner !! Le soleil chasse peu à peu les nuages, laissant apparaître les montagnes pour le plus grand plaisir de nos yeux. Quand on est bien, on n’a pas envie de bouger, mais le chef de troupe commence à s’agiter et à sortir sa carte. En route donc pour le col de l’Albula,, sis à 2478 m, où nous admirons de très jolies fleurs bleues et quelques névés. Nous sommes dans le parc national, éblouis par des forêts de sapins et de mélèzes, des torrents et cascades, un lac transparent, la bruyère en fleurs. Les motards allemands sont nombreux et, pour la plupart, en BMW. Une route de velours nous amène au sommet du col de l’Offenpass, à 2149 m, où, après avoir fait l’inventaire des motos (comme à chaque col d’ailleurs), nous dégustons un petit café au soleil. Dans la vallée de Zuoz, merveilleusement verte et douce, baignée par une rivière, nous contemplons les montagnes environnantes. Le ciel moutonne, abaissant ainsi la température à notre goût. Le col du Stelvio est exceptionnel, chaque virage est numéroté depuis le 48ème et ce sont, outre les motos en nombre, les voitures, camping cars, bus et même les vélos qui le gravissent. Situé à 2740 m, il est le plus apprécié, le plus connu et le plus spectaculaire. Du sommet, on aperçoit les nombreux lacets et les difficultés rencontrés par certains. Le vendeur de saucisses italien est toujours là, fidèle, et les boutiques de souvenirs se côtoient avec des objets semblables. Nous grimpons à pied sur la petite route conduisant au « Tibet », restaurant en forme de yourte, pour jouir du panorama et remarquer le contraste entre la route tortueuse, les montagnes majestueuses et le sommet du col bondé de touristes. En face, sur une autre colline, un château austère, et au-dessus de nos têtes, des choucas qui prennent plaisir à planer avec le vent. En descendant du Stelvio, nous délaissons le col de l’Umbrail pour regagner la plaine et enchaîner avec le col du Gavia (2652 m). La route est magnifique. Nous traversons deux tunnels non éclairés. Un bref arrêt au sommet, le temps de s’imprégner des lieux et de se souvenir de nos passages précédents : il y a 25 ans, la route n’était pas goudronnée et des cailloux l’encombraient, c’étaient mes débuts, en Triumph ! Des enfants défilent, déguisés, probablement en colonie ici. Il fait 17°. Un arrêt s’impose dans la descente auprès d’une magnifique cascade, impressionnante par son volume d'eau et le bruit. Un hôtel est situé juste devant, faut-il avoir le sommeil lourd pour dormir là ! Un motard breton s’est aussi arrêté pour faire des photos de ce lieu ressourçant, il me dit revenir de Garmisch (Autriche), où il a assisté à une rencontre internationale de BMW avec 35'000 autres motards !! De retour dans la vallée, le thermomètre de la CapoNord indique à nouveau 30 °. Encore une variante, nous voilà sur une petite route non fréquentée, dans une nature merveilleusement verte avec, au sommet, un refuge de rêve. recit-slovenie_4241.jpgNous sommes au Passo del Vivione, sis à 1850 m. Un petit étang avec quelques chevaux et des bruyères en fleurs, un Rifugio où nous décidons de passer la nuit, que désirer de mieux ! Nous sommes les seuls clients. Le patron nous offre un abri pour nos motos. Le restaurant, tout comme les chambres, sont impeccables. Un escalier en colimaçon, en bois, ne pourrait pas être plus étroit, pas fait pour les gros. La montée n'est pas évidente avec nos sacoches. Le repas concocté est fait maison et nous nous régalons. Un petit tour pour la digestion, pour s’imprégner de cette nature extraordinaire, et nous regagnons nos chambres : petites, boisées, avec des lits superposés, de jolies housses de duvets, elles sont étroites et douillettes. Une belle nuit nous attend.

Mardi 6 juillet

Un petit-déjeuner à l’italienne nous est servi à la même table. Des deux fenêtres du restaurant, nous profitons de cette nature immaculée. Au-dessous, une source jaillit à grand bruit par un tuyau la guidant dans un bassin. Il est 8h15 lorsque nous quittons les lieux, non sans regret et après avoir sympathisé avec le Bouvier bernois bien grassouillet. Lorsque j’enclenche ma marmotte sonore, mascotte accrochée au guidon, il dresse les oreilles et penche la tête, très intrigué. Nous descendons ce charmant col du Vivione au ralenti, pour en admirer tous les détails, par une même petite route, très étroite et en parfait état. recit-slovenie_4259.jpgSous-bois et herbes folles se succèdent, quel bien-être. Hélas, tout a une fin et nous revoilà dans la plaine, où la chaleur nous anéantit, en direction de Vertova (province de Bergamo), que je souhaitais vivement revoir, car lieu de naissance de ma grand-mère. Petite ville de 4555 âmes, elle est très proprette, avec de jolies ruelles étroites et une église trônant au sommet. Sur les conseils de José, nous nous rendons à la Mairie (Municipio) pour demander une copie de l’acte de naissance de mon ancêtre. Une dame, très aimable, sort très rapidement le livre de l’année en question (1894) et, grâce à la date, tombe sur l’acte et m’en fait une photocopie, qu’elle m’offrira avec un calendrier du village, m’en voilà ravie.

Nous reprenons la route surchauffée (32°) et traversons la ville deTrento, encombrée et sans panneaux indicateurs de direction. Pascal devra finalement baisser les bras et se rendre à l’évidence, le GPS a du bon : merci Geppo ! Et nous voilà à l’assaut du petit Passo Crocedomini, à 1892 m, ouf, il fait meilleur au sommet ! Alors que nous amorçons la montée, il fait encore très chaud, je m’arrête pour saluer sept ânes parqués dans un petit enclos sans ombre et sans eau, ça me fend le cœur. Puis suivra la vallée de Ledro, très jolie et verdoyante, roulante et sinueuse à la fois. Les plans de vignes sont disposées en Y, soutenues par des bâtons, une autre façon de faire que je ne connaissais pas. A Riva di Garda, nous sommes au bord du lac de Garde, comme son nom l’indique. Beaucoup de monde, il semble y avoir eu une régate internationale. La route nous conduit ensuite au bord du joli petit lac de Piazze, bordé de sapins et de mélèzes, rappelant le lac de Champex. L’hôtel 3 étoiles, en bordure de route, nous accueille malgré l’heure avancée et accepte de nous servir à manger.

Mercredi 7 juillet

A 9heures, il fait 18°, le lac est limpide et nous regardons glisser les truites avant d'attaquer le Passo Manghen, drôle de nom pour un italien ! Le sommet est à 2047m. La petite route étroite traverse la forêt, on y voit de gros rochers moussus qui me rappellent le Vercors. Au sommet, un joli refuge en bois et en pierre, au bord d’une marre et, juste au-dessus, une mini-grotte religieuse est garnie de fleurs et de bougies. Un magnifique panorama s’étale sous nos pieds. Dans une vitrine, à l’extérieur du refuge, sont présentées des sculptures en bois représentant des visages aux yeux très expressifs taillés et peints dans un morceau de bois brut. Le sculpteur est là, en train de faire des grillades, et nous dit sculpter en hiver, au village. Nous buvons le café sur la terrasse. L’intérieur de l'établissement est entièrement boisé, avec un poêle en pierre réfractaire. Nous enchaînons avec le Passo di Bronco, à 1616 m, par une route plus spacieuse. Nos estomacs réclamant famine, nous nous arrêtons en haut du col. D’autres motards, italiens, hollandais, français, ont eu la même idée que nous mais aucun contact avec eux, bizarre. Repas typiques et simples tels que saucisses et polenta sont proposés. Puis, une belle montée, sur une route large et de belle qualité, nous conduit au Passo Rolle, à 1984 m. Les montagnes rocheuses sont très pointues, typiques des Dolomites, jouant à cache-cache avec les nuages. Dans la vallée, nous traversons San Martino di Castrone, jolie ville très fleurie. Au sommet du Passo Valles, à 2032 m, un énorme St-Bernard accueillent les clients sur la terrasse, passif et inoffensif. Comme nous l’avons monté, nous descendons le Passo Bronco jusqu’à Agordo. Sur la place, une magnifique église avec de belles sculptures voit passer le trafic à ses pieds. Le temps de se rafraîchir un peu avec une glace et José nous quitte pour se rendre, avant nous, à Noale, pour un service à sa CapoNord. Nous apercevons un valaisan en BMW. Quant aux motards italiens, il faut s’y faire, ils n’ont pas pour habitude de saluer.Tous les deux, nous nous ferons le Passo Duran, à 1601 m, très joli, verdoyant et tranquille, puis le Passo Cibiana, à 1530 m, où nous allons passer la nuit. L’endroit est on ne peut plus calme. Un parc aventure se trouve juste à côté, il est désert. L’hôtel est entouré de sapins et les montagnes sont à proximité. Une balade à pied sur un chemin de forêt nous permet de découvrir des lys sauvages et d’autres fleurs violettes qui sentent l’anis. Nous dormons dans la chambre « Giglio » (lys) justement, au-dessous du restaurant. Les parois des chambres sont très minces. Au moment de nous endormir, le couple de la chambre voisine arrive, parlant normalement, monsieur faisant la lecture à madame : c’est comme s’ils étaient dans notre chambre. Je tape à deux reprises mais, après un bref silence, ils recommencent. Le sommeil finira quand même par nous gagner.

Jeudi 8 juillet

Au lever, les montagnes sont masquées par des nuages assez épais, puis le brouillard monte, laissant apparaître des trouées de ciel bleu. Nous rencontrons un couple d’italiens et je me permets de leur demander dans quelle chambre ils ont dormi. Eh oui, ce sont nos voisins. Ils sont très gênés en entendant notre histoire car, forcément, ils n’ont rien entendu, eux ! Nous échangeons également avec deux messieurs, d’une septantaine d’années, venus d’Allemagne avec des Zundapp 200 cm3 de 1954 et 1956. L’un est en knicker bocker, pantalon d'époque. Leurs bécanes, en état d’origine, partent au quart de tour. Comme ils ont l'air heureux !
recit-slovenie_4299.jpgAu Passo Tre Croci, à 2504 m, nous faisons une pause-café sur une très jolie terrasse verdoyante. Trois gars norvégiens nous expliquent qu’ils sont venus faire de la grimpe et que, n’ayant pas l’habitude, ils sont partis sans nourriture et sont restés ainsi 72 heures sans manger !!!
Au Passo del Giau, sis à 2236 m, nous profitons d’un panorama montagneux de 360°. Les motards sont nombreux là encore. Au tornante 3° de la descente, nous rencontrons enfin nos bretons, Denis – dit Bzh - et Evelyne, qui ont déjà pique-niqué. Après le café, Denis sortira son peigne à moustache pour y mettre un peu d’ordre, il pourrait être suisse... En leur compagnie, nous allons refaire le Passo Duran puis découvrirons le Passo Cereda, à 1369 m. De retour en plaine, nous faisons une halte à Fiera di Primero, très jolie ville traversée par une rivière et fleurie à souhait. Au milieu d’un parc magnifique trône un kiosque, pas aussi beau que celui de St-Marcellin quand même ! Afin de déboucher l’oreille de Denis, dans laquelle un petit morceau de plastique de l’interphone est resté prisonnier, nous partons à l’assaut d’une pharmacie, qui nous envoie vers un centre de premiers secours. Un médecin, charmant, fait une tentative mais renonce à intervenir, nous envoyant à l’hôpital de Feltre. Il fait terriblement chaud, dans nos habits de motards surtout. Aux urgences de Feltre, première attente, explications, nouvelle attente, prise en charge, retour à la réception, ce sera l’affaire d’une heure et demie. Mais l’oreille est sauve et l’intrus dans la poubelle !! Pour ne pas arriver trop tard à Noale, Pascal choisira une route directe, pour une fois, et c’est à 20 heures que nous tomberons dans les bras de José et Philippe, faisant le pied de grue depuis 18 heures. Remarques moqueuses sur la précision suisse, explications et rires garantis. La maison proposant les chambres d’hôtes est neuve. Elle est située dans un cul de sac et à l’écart de la route, seul le croassement des crapauds se fait entendre. Nos deux compères nous guident, à pied, à un peu plus d’un kilomètre de là, jusqu’à un restaurant qu’ils ont déjà testé la veille. Petit détail, ce soir justement, le tenancier est en train de fermer ses volets à notre arrivée. José use de son bagout en commençant par lui commander des bières, pour finalement le faire céder. Sa femme était encore en cuisine, occupée à préparer la journée du lendemain. Elle nous accueille, souriante, et nous propose un repas en toute simplicité, avec ou sans viande. Les discussions vont bon train, tournant toujours autour du rire, jusqu’à ce que le patron nous demande gentiment de nous éclipser. A 22 heures, il fait encore 24°, c’est bien agréable.

Vendredi 9 juillet

Une cafetière italienne nous est mise à disposition pour le petit-déjeuner pris sur le pouce devant la maison, autour des motos, avec quelques petits pains amenés par le propriétaire. Très sympa, il a l’air intrigué par notre équipe et s’en amuse. Pascal emmène sa moto, pour changer le pneu arrière, chez Agostini, le spécialiste Aprilia, le bijoutier de la marque, qui travaille seul dans un garage impeccable . C’est un passionné, il aime ce qu’il fait. A 9 heures, nous avons rendez-vous à Noale devant le magasin Aprilia pour une visite organisée de la fabrique. Il fait déjà très chaud. Là, nous faisons connaissance avec des Caponordistes venant d’Espagne, du Portugal, d’Allemagne, de Slovénie et d’Italie bien sûr, sans oublier un de Bosnie, soit une vingtaine de motos. La visite commence par la fabrique de Scorze, à quelques kilomètres de là. Puis, de retour au magasin de Noale, un guide nous donne les explications nécessaires en italien (traduction par Ulysse, un sud-américain vivant en Italie), et nous conduit dans les différents services techniques. A midi, nous sommes invités à manger à la Cafeteria de l’usine, en compagnie des employés et ouvriers, où un buffet nous attend. Nous pourrons admirer une belle exposition de motos de course ainsi que des bancs d’essais avec ordinateur faisant vrombir une RSV4 selon les diagrammes du circuit d’Imola ! Un détour par le département "courses" nous laisse entrevoir, entre autres, la prochaine moto de Biaggi, qui en reçoit une nouvelle tous les trois mois ! Nous aurons passé 5 heures en tout dans les deux établissements. Vers 15 heures, nous sommes prêts à partir et devons attendre, sous un soleil de plomb, les deux motards de l’usine (un homme et une femme) se joignant à nous pour le week-end, avec une Shiver 750 et une Dorsoduro 750, deux machines fines et bruyantes ; ils ne nous saluent même pas. Le but est de faire essayer ces deux modèles à qui est intéressé. Et c’est parti, emboîtant la roue à Ulysse qui, hélas, nous mène sur l’autoroute. Evelyne aperçoit une immense usine Adidas, personnellement, j’ai les yeux rivés sur les nombreux camions en provenance de Slovénie, Bulgarie, Turquie, Slovaquie et Moldavie : quel stress, et cela sur 150 kms. Alors qu’il avait prévu de faire une pause au prochain restoroute, il semble que notre guide en ait loupé l’entrée et c’est ainsi que nous y accédons ... par la sortie, en croisant deux beaux panneaux « Sens Interdit » ! Pas triste quand il y a une vingtaine de motos, heureusement que personne ne venait dans l’autre sens. Pause essence, café, toilettes, repos. Un gars est allongé sur le trottoir à côté de son Harley, chargée comme un bourricot. Une guitare pend sur le côté, parmi ses nombreux sacs, il dit se rendre à Bucarest. Enfin, nous voilà à la frontière slovène. Je suis surprise par la qualité de leurs maisons, fleuries, et de leurs voitures, neuves. Nous quittons maintenant la route principale pour gravir une colline. Au passage, un motard nous tend un petit verre d’alcool fort, une liqueur verte. J’y trempe mes lèvres, pffff, m’empressant de jeter le reste, discrètement. recit-slovenie_4319.jpgAu sommet, nous arrivons sur une place non goudronnée, bondée de motos de toutes sortes, y compris des Harley bruyantes. Une voiture rouillée, tout au bout du terrain, sert d’animation : un gars fait hurler son moteur et pollue un max, les gaz d’échappement sortant par une espèce de tromblon. Au milieu, une scène avec du Hard Rock, deux stands avec des articles Harley et des bières un peu partout. Nous ne tarderons pas à quitter les lieux pour nous rendre dans notre B & B, à Stanjel, où une dame charmante et très sympa nous accueille. Sa maison est au cœur du village, avec une magnifique cour intérieure, pavée, camouflée derrière un grand portail métallique. Un joli chat blanc angora vient nous rendre visite, il cherche le contact. Nos motos dorment sous une tonnelle de vigne. A peine arrivés, notre hôte fait de son mieux pour nous caser dans nos chambres respectives quand, tout à coup, on entend José monter les tours, elle l’a placé avec un italien dans une chambre avec un lit « matrimoniale » ! Epouvantée par cette méprise, elle s’empresse d’arranger cela. Le calme étant revenu, nous partons manger dans un restaurant, de l’autre côté du village, pour y retrouver toute l’équipe du jour ainsi que quelques autres slovènes. Parmi eux, une CapoNord rouge, la première, Pascal est ravi. La situation est cocasse avec ces mélanges de langues, le parler en italien ou en anglais est de rigueur. Une grande table est dressée à l’extérieur, sous une tonnelle et le repas est très copieux.

Samedi 10 juillet

Le petit-déjeuner nous est servi dans un salon de la maison de notre hôte, à 200 mètres de notre logement, par elle-même et sa soeur. Blonde, de nationalité slovène, elle parle parfaitement bien l’italien et même un peu l’allemand. Elle nous propose une omelette et du panettone. Nous retrouvons ensuite l’équipe devant le restaurant de la veille, aux pieds du village. Il fait déjà très chaud. recit-slovenie_4320.jpgNous empruntons d’abord une petite route verdoyante menant à un col, appréciant la fraîcheur des forêts traversées. Les paysages ressemblent à ceux du Vercors avec des forêts, sous-bois et grosses pierres. Les tracteurs pourraient trouver place dans des expositions d’anciennes machines chez nous, ils doivent dater des années 60, voire même d’avant. Le bétail est rare, quelques vaches de temps en temps seulement. En milieu de journée, sous un ciel bleu sans nuages, il fait 42°, ça dégouline ! Au col, nous faisons un petit arrêt pour admirer la vue, saluer la Madone du coin et nous rafraîchir un peu à l’ombre des arbres. De retour en plaine, à Idrija, nous marquons une nouvelle pause, café cette fois, qui nous est servi avec du lait (€ 1,20). Sans le savoir, nous avons garé nos motos devant un bâtiment qui n’est autre que le musée de la mine, dont la visite nous avait été annoncée. Je comprends leur stupeur en nous voyant arriver. C’est donc revêtus d’une blouse verte et d’un casque en plastique de la même couleur que nous suivons le guide dans les bas-fonds de la mine. Nous descendons à 100 mètres, il y fait 16° alors qu’à l’extérieur, le thermomètre des CapoNords en indique 32 ! Notre guide s’exprime dans un très bon italien. recit-slovenie_4328n.jpgQuelques mises en scène nous font prendre conscience de la vie harassante des mineurs de l’époque et des dangers qu’ils affrontaient. Sur la place du village, une dame vend des abricots, elle nous a vus venir, 2 € les 5 pièces ! Ils viennent peut-être de France ou de Suisse à ce prix-là. Une heure plus tard, nous sommes au bord d’un joli petit lac et recevons chacun un pique-nique, composé d’un énorme sandwich, de deux barres de céréales, d’une pêche dure et d’une bouteille d’eau, le tout pour 5 € : pas si bon marché la Slovénie. L’eau du lac est bleu turquoise, un bateau du genre Mississipi fait des navettes. Nous finissons par la photo de famille composée de 37 personnes, soit 29 motos. Les deux accompagnateurs d’Aprilia vont nous quitter là sans dire au revoir ni même faire un signe de la main à tous : bizarre, bizarre, vous avez dit bizarre ? Adieu fraîcheur, nous retrouvons la plaine, sous une chaleur torride, malgré la petite rivière que nous longeons. Une station-service nous permet de faire le plein mais aussi de nous rafraîchir, l’intérieur étant climatisé. Un italien d’une soixantaine d’années, nous a rejoint aujourd’hui, il souhaite me prendre en photo afin de montrer à sa femme qu’elle pourrait aussi venir, et même piloter. Diable, je ne m’attendais pas à une surprise de ce genre, les autres non plus d’ailleurs, le clou du jour est une route caillouteuse demandant toute notre attention, il faut jongler entre les ornières et gros cailloux, mais ce n’est pas le plus beau. Faisant face à une barrière fermée, un italien a vraiment décidé de nous conduire jusqu’en haut et s’arrange pour l’ouvrir afin que nous puissions continuer. Cette fois, cailloux et ornières sont plus importants, je crois que la plupart des motards ont transpiré, comme moi. Certes, le point de vue en valait la peine mais quand même, la descente nous préoccupe. Après avoir admiré l’espèce de château d’eau trônant au sommet et la vue spectaculaire à 360°, il nous faut maintenant songer à cette méchante descente. L’un des italiens, peu expérimenté, y renonce. De mon côté, je vais inspecter le départ pour repérer l’endroit « le moins pire », puis je suis Pascal en gardant mes distances, car freiner doit se faire en délicatesse. Ouf, nous voilà près de la maudite barrière, le plus dur est passé qui, finalement, s’est avéré moins pénible que je ne pensais. Le retour est du gâteau sur ces petites routes joliment goudronnées. Ce soir, ce sera dans la cour du château de Stanjel que nous mangerons, où des tables ont été dressées, nappées et décorées avec de grands bougeoirs. Nous sommes peu nombreux (6 tables, 29 personnes) et, évidemment, nous nous retrouvons entre francophones pour une nouvelle partie de rigolade. Denis et Evelyne « se lâchent » et pleurent de rire. Ah, ce José, quel pitre, c’est du théâtre qu’il aurait dû faire, pas de la moto !! Le clown propose aux trois autres convives la devinette du fameux Romeo, qu’il nous avait déjà soumise trois jours avant, ainsi que celle de la dame retrouvée toute nue, avec ses habits à côté. Bravo Philippe pour tes performances de détective. A pas l’air mais ... a du flair le Lorrain-Grenoblois. Le repas est excellent et joliment servi, digne d’un Relais et Châteaux. Il nous en coûtera la somme de 30 € faisant grincer les dents de notre meneur.

Dimanche 11 juillet

Petit-déjeuner entre francophones, les sudistes étant à la table voisine, nous vivons un nouveau moment de franches rigolades tout en appréciant l’omelette au fromage avec le panettone. La journée s’annonce bien. Au rendez-vous, ce sont une vingtaine de motos, soit une trentaine de personnes, sous un soleil de plomb déjà à 9heures. Nous empruntons de petites routes tranquilles et souvent ombragées, fort heureusement. Une première pause aux abords d’un vieux château, bâti sur un rocher et dominant la mer avec, à ses pieds, Trieste. L’arrêt suivant sera destiné aux pleins d’essence dans une station service telle qu’on les trouve chez nous. Pascal se procure une carte de Slovénie à ... 10 Euros et des vignettes, valables pour une semaine, au prix de 8 Euros chacune. Après ça, on dira que la Suisse est chère !! Nous passons près d’un haras, pas un cheval en vue, et d’un golf, sans le moindre golfeur. Une magnifique et gigantesque pancarte annonce le haras, sur laquelle un cheval blanc sort du cadre. A Lipica, un nouvel arrêt est prévu pour la visite d’une grotte. Certains lui préfèrent une sieste sous les arbres. Pascal a sorti la couverture de survie tandis que Philippe a fixé son hamac entre deux arbres et, alors que nous jouissons de l’environnement, il nous pollue avec son cigare, grrrrrr. Remise en route, nous descendons maintenant un petit chemin terreux et caillouteux dans la forêt, nous conduisant jusqu’au lieu de pique-nique où nous attendent organisateurs et grillades. Des tables et des bancs ont été installés. Ayant avisé discrètement les organisateurs du 35ème anniversaire de mariage de Denis et Evelyne, ils reçoivent une ovation et doivent boire cul sec leur gobelet de sangria. Le téléphone de Philippe sonne maintenant, l’avisant du message « Je n’ai pas de RDV ». Après un bon rire, nous quittons l’équipe, que nous remercions comme il se doit. Une heure plus tard, Denis sent encore les effets de la sangria, il faudra un café pour l’aider à oublier. Pour notre dernière soirée et sur les conseils de notre hôte, nous nous rendons à Brajnic, village situé à 6 kms de notre gîte, et prenons place sur la terrasse d’une pizzeria. Il fait terriblement chaud. La terrasse est pleine et les pizzas excellentes. Des gitans occupent deux tables voisines, parlant très fort. Leurs gamins jouent alentours et nous gardons l’œil ouvert sur nos motos. José est attiré par l’écran de télévision, à l’intérieur, car il se joue la finale du Mondial entre l’Espagne et la Hollande. Nous rentrons assez tôt, nos amis prenant le chemin du retour demain matin, de bonne heure, avec un trajet assez long. Au moment de m’endormir, c’est raté, José pousse des cris dans la chambre voisine, l’Espagne (dont un peu de sang coule dans ses veines) vient de gagner.

Lundi 12 juillet

Encore un petit-déjeuner sous le signe de la rigolade. José conseille à Evelyne de se lâcher, ce qui ne fait qu’augmenter notre hilarité. Nous nous dirigeons vers la poste du village pour y acheter des cartes postales, que nos amis français n’avaient pas encore eu le temps d’écrire. Ce sera une séance expéditive. Denis et Evelyne partent en premier tandis que nous accompagnons Philippe et José à la station d’essence voisine d’où nous verrons passer, puis repasser, nos bretons avec, chaque fois, coups de klaxons et grands signes. C’est une scène digne de Tati. Ils ont emprunté les trois routes entourant la station sans que nous en comprenions la raison. Le GPS ferait-il des siennes ? Puis c’est la séparation, nos deux coéquipiers partent à leur tour pour regagner la France, alors que nous continuons la route pour une semaine en amoureux, en Croatie. C’est là que se termine cette semaine mouvementée mais bienheureuse où nous avons découvert des paysages magnifiques et une amitié qui mérite de perdurer.

26 septembre 2010

Betty Boop