Une paire de bottes attend


ecrim-une-paire-de-bottes_3034.jpgPour son jour de congé hebdomadaire, elle avait prévu de partir au petit matin se faire une grande balade en forêt. Cherchant le calme et la tranquillité, elle avait pensé à un lieu idéal pour se retrouver avec soi-même et s’imprégner de dame nature. Elle avait préparé son baluchon avec appareil photo, gourde, fruits secs, crème solaire, sans oublier un petit coussin, prévoyante, la dame. Eh oui, s’asseoir en forêt n’est pas toujours chose aisée, les supports peuvent être inconfortables ou humides. Elle avait également pensé au bonnet, aux gants, mais aussi au papier et au crayon pour noter les idées qui passent. A la veille de ce grand jour, souhaitant être en forme pour la randonnée, elle s’était offert un moment de détente avec un bon bain parfumé aux huiles essentielles et ainsi, mettre fin à la semaine chargée. Vider son cerveau, laisser transiter les idées, retrouver la joie de vivre en s’échappant de ce milieu turbulent et stressant. Toute la semaine, elle aurait voulu, mais n’avait pas eu un seul instant de répit, préparer cette journée de congé. Ses amis l’avaient mise en garde quant aux caprices de dame météo. Peu importe leur négativité, elle avait décidé de partir et ne baisserait pas les bras pour autant. Elle avait tant attendu ce moment, quelques heures maintenant l’en séparaient, elle avait nulle envie d’y renoncer. Retrouver ce lieu magique, empli de souvenirs, elle y avait si souvent pensé, c’en était devenu un rêve, et il était sur le point de se réaliser. A quelques heures de ce départ, son cœur se mit à battre la chamade, ses jambes à trembler, un sourire se dessina sur ses lèvres, son regard se projeta dans le lointain. Elle eut de la peine à s’endormir, tourna et retourna dans son lit bon nombre de fois avant de tomber dans les bras de Morphée. Au petit matin, le réveil la tira d’un sommeil si profond qu’elle fit un bond dans son lit, puis, réalisant que c’était le jour J, son sourire l’emporta, elle s’étira, bailla tout son saoul et se leva au ralenti. Elle avait décidé de savourer chaque moment de cette journée qu’elle voulait inoubliable. Quelques exercices de gymnastique pour se mettre en forme, une toilette soignée, sans oublier la touche finale de parfum, un bon petit-déjeuner très complet avant de se concentrer sur le choix des vêtements. Confortables ou esthétiques ? Sobres ou colorés ? Chauds ou légers ? Diable, elle aurait pu s’en préoccuper la veille. Elle finit par choisir deux tenues, l’une pour le voyage et l’autre qu’elle emporterait. Alors, récapitulation, rajout de quelques aliments pour le pique-nique, des lunettes de soleil, un foulard, le téléphone – on ne sait jamais – et une bonne veste chaude. Son regard fit le tour de la pièce, interrogateur, inquisiteur, puis, se saisissant de son trousseau de clefs, elle ferma la porte derrière elle. Ses sens étaient en ébullition, moteur ! Personne sur la route à cette heure matinale, quel plaisir. Les kilomètres défilent, les paysages changent, l’heure tourne, le soleil monte dans le ciel mettant en valeur la beauté des sommets enneigés.
Personne ne l’attend mais elle est impatiente de retrouver cet endroit de sa jeunesse. Voilà, elle aperçoit maintenant le château, et ce vieil arbre toujours vaillant et imposant, son cœur bat la chamade, ses yeux s’illuminent, sa bouche s’entrouvre comme pour demander au temps de s'arrêter. Combien de temps est-elle restée ainsi, assise à son volant, sans faire le moindre geste, pas même celui de tourner la clef pour arrêter le moteur. Il a fallu qu’une buse traverse juste devant son pare-brise pour qu’elle réalise. Tranquillement, elle a ouvert la portière, comme pour ne pas attirer l’attention. De qui ? De quoi ? En sortant de son véhicule, elle a soudain été saisie par le froid qui l’a ramenée à la réalité, l’incitant à vider son gros sac pour changer de tenue et adopter celle convenant au climat. Après avoir enfilé son blouson, une étincelle traversa son esprit : « Mes bottes, où sont mes bottes ? »

Betty 
31.05.2013