Les hommes du terrain

Ce sont ceux que l’on aperçoit de loin au vu de leur tenue très voyante, voire phosphorescente. Par tous les temps, ils travaillent en extérieur, dans un froid pénétrant ou sous une chaleur étouffante. Qu’il pleuve, qu’il vente ou qu’il neige, ils assument leur dur labeur.

Ils sont venus d’Italie, du Portugal ou de pays plus lointains. Chez eux, souvent, ils pratiquaient un métier moins rude, choisi en fonction de leur pays, de leurs parents et de leur terre. En émigrant, leur profession n’est plus reconnue et ils n’ont pas toujours le choix de la nouvelle voie. Ils acceptent ce qu’on leur propose. C’est ainsi que bon nombre d’entre eux se sont retrouvés avec des outils ou des machines de chantier. Le bruit est devenu leur quotidien. Crier, ils ont dû s’y habituer. Se munir de protections, pour les yeux comme pour les oreilles, est vivement recommandé et même obligatoire. Mais combien les oublient ou n’ont pas conscience de leur nécessité et des risques.

Dans quel état de santé seront-ils à 50 ans ? Sourds, malvoyants ou alités, car leur dos est très sollicité. Et pourtant, ils devront patienter jusqu’à l’âge officiel de la retraite, le même que celui des bureaucrates et autres professionnels d’intérieur. Où est la justice ?

Ces hommes-là ont quitté leur pays par nécessité, le travail manquant, laissant derrière eux leur famille, un métier choisi, un climat plus doux. Ils travaillent dans des conditions très difficiles et on ne leur reconnaît pas une valeur, LA valeur à laquelle ils devraient avoir droit. Pour offrir à leur famille, restée là-bas, un peu plus de bien-être, ils se privent, économisent. Leur but est de retourner au pays bien sûr mais avant, de construire leur maison. Ainsi, lorsqu’ils regagnent leurs terres, deux fois par année, durant leurs vacances, c’est pour y travailler. Atteindront-ils l’âge de la retraite pour savourer le repos tant mérité ? Voudront-ils revenir au pays après s’être habitués, adaptés à leur nation d’adoption ?

Ces hommes du terrain méritent le respect, car le métier qu’ils n’ont pas choisi, ils l’accomplissent à notre place.

Lorsque vous les croiserez, au bord des routes qu’ils restaurent, pensez-y, offrez-leur votre sourire ou un signe de la main, car la reconnaissance, tout le monde en a besoin. Eux les premiers !

Betty Morel
Avril 2022