Soixante-huitards

Johnny_1471.jpegAujourd’hui, mon âge me renvoie à l’année mémorable, historique, révolutionnaire même, ayant vu naître les « soixante-huitards » et leurs idées bouleversantes. J’étais alors à la veille de mes 20 ans et, cette année-là, à St-Marcellin … il ne s’est rien passé !!! Si ce n’est que je commençais à m’émanciper depuis une année peut-être et à fréquenter les bals du dimanche après-midi avec les copines de classe. Rien de bien particulier donc, en tout cas pas de quoi en faire la Une du « Mémorial », notre canard local ! Le Rock, les Yéyés, Johnny et les autres, tout cela était révolution aussi, depuis 1962, et mon frère et moi écoutions avec assiduité l’émission « Salut les copains ». Barbara, venue chanter dans la région, a écrit cette année-là « Mon enfance » puisqu’ayant vécu 2 ans à St-Marcellin durant la guerre. Quand on sait ce qu’elle a vécu, on est touché par ses paroles.

Depuis quelques mois, brevet commercial en mains, j’occupais un emploi de secrétaire chez un notaire et c’est là sans doute que j’ai été touchée par l’amour … de la langue française. Comme il se devait alors, après avoir tapé les actes, nous collationnions. Rien à voir avec les 4 heures – les goûters chez nous. Il s’agissait de relire les actes pour chasser les fautes, ce que nous faisions à deux, non sans quelques parties de fou rire souvent, car, lorsque l’on relit à toute vitesse des pages et des pages, il arrive parfois que la langue fourche. Voilà d’où me vient ce regard aiguisé. Je vais vous paraître un peu ringarde mais tant pis, il faut que je vous précise avoir connu les débuts de la machine à écrire électrique, de même que la photocopieuse, entrée à l’étude peu avant mon départ, soit début 70. C’est donc ainsi que j’ai perfectionné la vitesse de frappe, de même que celle de la sténo, qu’il m’arrive encore d’utiliser, non sans connaître une certaine hésitation au moment du déchiffrage.

En 1968, nous étions à l’époque de la mini-jupe et je me souviens d’un bel ensemble marine et jaune que j’adorais. Ma mère m’avait tricoté des chaussettes hautes et un gilet assorti, tous deux rayés dans ces coloris, que j’accommodais d’une petite jupe marine, très sexy.
Ma petite ville de quelque 6000 habitants était sans histoire. Personne ne tendait la main dans la rue, tout le monde travaillait. Le chômage ? Il n’en était pas question dans cette région agricole et ouvrière. Les magasins nous offraient une grande diversité d’articles et faisaient de bonnes affaires tandis qu’une première petite « grande surface » faisait son apparition. Mon père, primeurs en gros, assurait l’approvisionnement en fruits et légumes régionaux aux épiceries, alors nombreuses, dans un périmètre d’une trentaine de kilomètres. Il y avait la culture des noix et du tabac, cette dernière disparue depuis bon nombre d’années, et la fabrication de la célèbre tomme de St-Marcellin. Nombreuses étaient les usines et, parmi elles, la CGE (Compagnie Générale d’Electricité), une fabrique d’abat-jour, une tonnellerie qui en était à sa 4ème génération, une fabrique de sièges de bureaux, une coopérative boulangère créée en 1959, appelée Panification, et bien d’autres. Pour la petite histoire, la Pani a établi le record de la plus grande pogne du monde au Guinness Book, d’un diamètre de 2,40m et d’un poids de 84 kg.

La rue principale, nommée tout simplement Grande Rue, avait acquis son statut de piétonnière. Finis les véhicules bruyants et dangereux, car même les camions y transitaient au préalable, se croisant avec difficulté. Pas encore de déchetterie, les gens déversaient leurs détritus dans la nature ! On ne se souciait pas d’écologie, bien que M. Larousse en mentionne l’apparition vers la fin des années 60.

Côté transports publics, il me semble que la « Micheline » passait encore à cette époque. Il s’agissait d’un autorail à pneus spéciaux et traction thermique, inventé par Michelin, dont le klaxon avait un son particulier. En plus rapide, il y a eu aussi le Catalan.

Quand je vous ai dit au début qu’il ne s’était rien passé, ça n’est pas tout à fait vrai puisque le 31 octobre 1968, j’ai obtenu mon permis de conduire, et du premier coup. L’entraînement avait lieu à St-Marcellin et dans les alentours. Bien que St-Marcellin ne soit qu’à 50 kms de Grenoble, le moniteur ne m’y a jamais entraînée, d’où mon appréhension des villes !


Betty
26.04.2017