Chanteurs d’oiseaux

Bellelay, tel était le but de ce magnifique dimanche estival. Dans ce petit village jurassien, réputé pour la tête de moine (fromage) et sa magnifique abbatiale, nous avons découvert un spectacle hors du commun, celui orchestré par Jean et Johnny, se qualifiant de « chanteurs d’oiseaux ».

Un grand parc, une mare, de vieux arbres avec, parmi eux, un tilleul aux senteurs délicates, il y avait là de quoi nous rafraîchir après ce long périple sous un soleil de plomb. Nous étions venus avec des amis, admirateurs d’oiseaux eux-aussi, ets nous sommes retrouvés avec quelques deux cents autres personnes, des habitués des lieux probablement. Leurs conversations couvraient les sons de la nature.

Belle-Etoile-Grammont.jpgSoudain, le silence s’installa quand apparurent, en haut du parc, nos deux hommes, entièrement vêtus de noir. Allusion aux corbeaux ? Leurs yeux visaient la cime des arbres, leurs oreilles se dressaient, ils avançaient à pas de loup. Le temps semblait avoir cessé d’égrener ses minutes. La foule silencieuse les enveloppait. Leur premier chant d’oiseau fut celui du merle, qui d’ailleurs leur répondit, puis de la fauvette à tête noire (sauf erreur), du hibou, du corbeau et d’autres encore. A chaque fois, ils ouvraient grand leurs bras, telles des ailes, les ramenant ensuite vers leur bouche pour en reproduire les chants. Un tel réalisme auditif était bluffant. Il fallait les voir, et les entendre surtout, pour le croire !

Sans les quitter des yeux, mon regard en coin se posait parfois sur des visages rayonnants. L’envoûtement était de mise. J’aurais aimé que cette scène perdure dans ce magnifique écrin de verdure. Au lieu de cela, nos deux héros, tout à la fois artistes, siffleurs, chanteurs, se dirigèrent vers l’entrée de l’abbatiale, en contre-bas du parc. Chacun s’empressa de leur emboîter le pas.

Après la grosse chaleur, place à la fraîcheur contrastante de l’intérieur. Nous passâmes du vert nature au blanc des murs, de la douceur des arbres à la froideur d’un espace dépouillé. Chacun prit place dans le chœur où seules les chaises et une petite table constituaient le mobilier. Face à nous, une œuvre religieuse, peinte à même le mur, était mise en valeur grâce à la lumière pénétrant par de très hautes fenêtres grillagées, sans vitraux.

Trois orgues trônaient, dont deux à l’étage, le plus important au-dessus de l’entrée, comme c’est l’usage, et le plus modeste au-dessus du chœur. Quant au troisième, au format modèle réduit, il était tout simplement posé sur la table, devant nous. L’organiste égrena ses notes reproduisant des chants d’oiseaux. Jean et Johnny, nos deux musiciens non instrumentistes, arrivèrent ensuite nonchalamment de chaque côté du public, puis, devant nous, imitèrent à merveille l’alouette et le rossignol. Comme Ulysse, nous étions littéralement envoûtés, sans pour autant être attachés à nos chaises !

Puis s’entremêlèrent tour à tour, à l’orgue, des chants irlandais et français des siècles passés. Les performances de nos deux « oiseaux » s’enchaînèrent avec les goélands, un ensemble de volatiles dans les bois, puis dans la jungle. Après ces prouesses, Jean et Johnny simulèrent deux scènes, l’une amoureuse et l’autre guerrière, qui provoquèrent rires et émotions, cassant ainsi la froideur des lieux.

Quant à l’organiste, il s’installa tour à tour devant les trois instruments avec un savoir-faire remarquable.

C’est sous un tonnerre d’applaudissements que prit fin ce moment magique, cette performance inoubliable, après deux heures d’un bonheur intense.

Betty
26.07.2022

Jean et Johnny ont grandi dans le même village, au cœur de la Baie de Somme située en Picardie, aux abords de la Manche. A l’adolescence, ils se sont découverts une admiration pour les oiseaux, avec l’envie de les imiter. Quel chemin parcouru depuis leurs premiers sons. Quelle magnifique vie professionnelle, emplie d’amitié et de passion. Chapeau bas, messieurs !

https://www.youtube.com/watch?v=toXjnOq0mY8